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Rodrigues Kwate Kwate : « Nous faisons du E-commerce avec du sentiment humain »


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Ph:dr-: Rodrigues KWATE KWATE,  ce camerounais ingénieur en télécommunications et doctorant au Maroc a créé SENEM@R+

Ph:dr-: Rodrigues KWATE KWATE, ce camerounais ingénieur en télécommunications et doctorant au Maroc a créé SENEM@R+

Avec deux autres porteurs, Moïse Hervé Kapche Fotso et Firmin Guelmbaye Djikoloum ; Rodrigues KWATE KWATE,  ce camerounais ingénieur en télécommunications et doctorant au Maroc a créé SENEM@R+. Il s’agit d’un mariage entre les Tics et l’agriculture paysanne. Cette alliance  se traduit par la commercialisation directe, sans intermédiaire, des produits issus de cette forme d’agriculture, à travers les Tics (SMS, USSD, Internet).

SENEM@R+, votre projet, figure parmi les 130 projets sélectionnés à travers le monde francophone pour être exposé en atelier à Liège et a suscité conseils, remarques et suggestions des pairs. C’est quoi, votre création ?

Mon projet c’est SENEM@R+, c’est-à-dire la commercialisation directe des denrées agricoles, à travers une plate-forme que nous sommes entrain de développer et qui sera utilisée via le web, ou via le mobile. Ça reste un projet, mais qui est déjà à sa dernière phase parce qu’il a traversé plusieurs étapes. Il date de deux ans. Nous avons été l’année dernière parmi les 10 finalistes du concours Orange entrepreneurs africains. Nous avons également été parmi les six finalistes de GSVC Global Social Venture du secteur francophone. Nous avons ainsi été à l’ESSEC de Paris pour parler du projet. Aujourd’hui, nous sommes à Liège, toujours pour en parler. Nous entendons le lancer d’ici la fin de cette année 2015. Parce qu’une étude bien profonde du marché nous a déjà donné des informations très intéressantes. La plate-forme est déjà construite et sera bientôt mise en ligne. On y procède actuellement à des rodages internes.


Quel est le problème que vous voulez résoudre à travers cette plate-forme ?

Nous partons de deux constats. Le premier c’est que l’agriculteur au Cameroun comme ailleurs en Afrique ne vit pas de son art. Il a des difficultés à envoyer son enfant à l’école. Simplement parce qu’il ne parvient pas à vendre efficacement ses produits. Le second constat c’est qu’il y a des hôtels et des restaurants camerounais qui ne proposent pas des plats camerounais. Pourtant, il y a un marché. Ils expliquent cette situation par le fait que les mets camerounais nécessitent un prétraitement avant de les cuire. Ce qui prend du temps. SENEM@R+leur offre un espace où ils peuvent passer directement la commande à des agriculteurs qui les ont apprêtés pour eux sans besoin d’intermédiaires. Du matériel sera proposé aux agriculteurs, par exemple à travers des contrats location-vente, pour la transformation de leurs produits. Imaginez un paysan qui mettrait 50 kg de maïs dans une machine; et qu’il en sort déjà bien décortiqué et mis dans des conditionnements comme des sachets. Tout le monde serait intéressé d’acheter parce qu’il y’a la garantie d’une qualité du traitement.


Ce type de transaction pourrait tout aussi se faire en dehors de l’Internet. Quelle est la valeur ajoutée de SENEM@R+?

Déjà, les agriculteurs qui ont accès, peut-être pas encore à Internet, mais au moins au téléphone mobile, et ils sont très nombreux dans ce cas, pourraient recevoir des publicités. Elles ne proviendraient pas de nos partenaires, mais des personnes qui viendraient sur notre plate-forme rechercher des données pour vendre leurs produits et services aux agriculteurs. Nous mettrons à leur disposition notre base de données sur les agriculteurs. Et à chaque SMS reçu, l’agriculteur gagnera de l’argent. Je prends juste un exemple : l’annonceur nous paie 0.085 dollars (50 Fcfa) par SMS ; nous retenons 0.051 dollars (30 Fcfa) pour nous et l’agriculteur lui, reçoit 0.034 dollars (20 Fcfa). Voilà comment avec notre plate-forme, l’agriculteur qui était jusqu’à présent une valeur rejetée de l’autre côté, se retrouve au centre du débat.

L’accès au TIC au Cameroun, et plus encore dans le milieu rural, n’est pas la chose la mieux partagée. Comment s’opèreront concrètement les échanges entre producteurs et acheteurs sur votre plate-forme dans ce contexte où la connexion Internet demeure un luxe pour beaucoup de ruraux? 
Nous savons qu’il y a ce problème de densité d’accès au TIC. Mais nous nous sommes rendu compte que les autorités publiques camerounaises ont déjà développé des centres communautaires polyvalents dans presque tous les villages. Très souvent, ces centres sont vides. Nous nous sommes donnés le pari de les animer, en nous mettant en partenariat avec le gouvernement. Nous  affecterons alors au moins un agrégateur agricole dans chaque centre, et à qui on remettra un PC ou une tablette connectée à Internet via une clé mobile de l’un des multiples opérateurs que compte le Cameroun. Ainsi, il assurera la liaison entre l’agriculteur et l’acheteur. C’est ainsi que nous entendons élaborer le mécanisme en nous adaptant à notre contexte, pour permettre à nos agriculteurs de trouver une autre tranche de marché.

Le problème de connexion résolution, restera celui de l’évacuation du produit, bref, du circuit de  livraison ou de distribution plus globalement. Qui se chargera du transport de la marchandise, du producteur au consommateur qui est ici le premier acheteur de la chaîne ?
Nous réfléchissons aussi à cette problématique. C’est assez préoccupant. La logistique pose deux principaux problèmes. D’abord, celui de l’état des routes qui n’est pas très bon, et renchérit le coût des denrées alimentaires. Sur ce point précis, nous ne pouvons malheureusement pas faire grand-chose. Mais au moins, nous voulons mettre sur pied un bon circuit d’information. Grace à notre call center à Douala et les agrégateurs sur le terrain, nous assurerons la diffusion rapide et efficace de l’information aussi bien en direction du producteur que de l’acheteur. Notre dispositif permettra d’avoir une communication en temps réel avec le transporteur pour nous assurer que le client sera livré dans les délais. Comme je le disais, nous cherchons encore des pistes de solution à cette problématique cruciale.

En fait, vous faites du e-commerce à l’africaine, c’est ça ?

Nous apportons cette technologie pour un entreprenariat social. C’est ça notre leitmotiv principal. Nous faisons du e-commerce, mais pas comme celui-là où on ne voit pas les gens, où c’est sans contact, où l’agriculteur est obligé de venir personnellement sur la plate-forme pour vendre. Non ! C’est du e-commerce avec du sentiment humain, avec des personnes au milieu pour essayer de rendre le système plus fluide. Nous n’avons pas le même contexte du e-commerce qu’en Europe où un grand parent de 70 ans sait utiliser Internet. Ce n’est pas le cas chez nous et nous devons nous adapter.

Quel est votre budget pour la réalisation de ce projet ? Par quel bout allez-vous démarrer et avec combien d’employés ?

Pour un début, d’après nos estimations, si nous nous concentrons uniquement sur Dibombari ou les zones de production de Douala, en prenant par village un agrégateur agricole, dans notre call center, trois ou quatre personnes suffiraient pour faire tourner la machine. Nous avons besoin d’un financement initial de 45 000 dollars américains (environ 22 millions de Francs Cfa). C’est costaud. J’en conviens. Etant parmi les 10 finalistes du Concours Orange évoqué plus haut, nous avons été introduits dans l’incubateur VC For Africa, où nous demandons un financement initial de 45 000 dollars. Cependant, avec 5000 dollars au moins, nous pouvons déjà commencer.

Réalisé par Marie-Noëlle Guichi à Liège

http://www.fluxecoafrique.com/index.php/actualite/interview-de-la-semaine/item/739-rodrigues-kwate-kwate—nous-faisons-du-e-commerce-avec-du-sentiment-humain


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