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Tabagisme en Afrique : L’HECATOMBE DES RESSOURCES FRAGILES


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L’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement, engagements pris par les 192 Etats-membres de l’Onu et 23 agences internationales en 2000, est compromise par le fléau du tabagisme qui tue six millions d’âmes par an, soit le double des décès causés par la tuberculose, le paludisme et le VIH/SIDA confondus. Au-delà de ce record mortuaire, le tabagisme est responsable de la pauvreté contre laquelle les Chefs d’Etats et de gouvernement prétendent lutter en définissant des stratégies qui, malheureusement, ne touchent pas les vraies causes dont le tabagisme. Une lutte manquée qui ne dit pas son nom. Autant reconsidérer le combat…

 

Une interdiction complète de promouvoir, de sponsoriser ou de faire de la publicité pour le tabac pourrait entrainer une réduction du tabagisme d’environ 7 %

Une interdiction complète de promouvoir, de sponsoriser ou de faire de la publicité pour le tabac pourrait entrainer une réduction du tabagisme d’environ 7 %

La lutte contre le tabagisme n’est pas inscrite au rang des priorités dans l’agenda du millénaire pour le développement. Curieusement, il se révèle comme un inhibiteur des efforts déployés ça et là pour lutter contre la pauvreté dans nos pays. Sur le plan sanitaire le constat est grave. S’il est établi que la tuberculose tue 2 millions de personnes par an, le sida 2,1 millions de personnes et que le paludisme cause la mort de 2,7 millions par an, le tabagisme détient la palme des records de dégâts humains avec 6 millions de décès dans le monde chaque année avec plus de 80% des victimes dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le tabagisme est la première cause évitable de décès dans le monde. Plusieurs études montrent que les plus gros consommateurs de tabac sont les pauvres et les très pauvres. A l’échelon mondial, 84% des fumeurs vivent dans les pays en développement et des pays en transition sur le plan économique. Dans ces pays, les répercussions économiques et sanitaires du tabagisme sont lourdes. Des études menées en 1997 en Inde montrent que la prévalence du tabagisme est très élevée (64%) chez les personnes analphabètes tandis qu’elle décroit en fonction du nombre d’années de scolarisation. La proportion de fumeurs dans le groupe socio-économique le plus élevé est à peine de 10% pour les femmes et 12% pour les hommes tandis qu’elle est de 35% et 40% respectivement dans le groupe socio-économique le plus bas. Parallèlement à cet état de fait, le premier objectif du millénaire pour le développement est consacré à l’éradication de la pauvreté. Il se dégage des analyses que l’atteinte de l’Omd 1 est d’avance manquée si rien n’est fait pour inverser la tendance.

137 études de l’Oms passées en revue montrent la relation inverse entre le niveau de revenu et la prévalence du tabagisme, avec un accroissement du tabagisme chez les plus pauvres observé durant les deux dernières décennies. En effet, c’est une double peine que subissent les populations des pays pauvres. Pour Pascal Diethelm, expert de l’Oms, « plus on est pauvre, plus on fume et davantage on est exposé à la pauvreté et à la maladie ». Il s’agit en un mot d’un détournement des ressources vers un produit multiplicateur d’ennuis de pauvreté et de mort.

Mieux, les maigres ressources des pays pauvres sont siphonnées par l’importation et la vente  d’un produit dont les revenus ne profitent qu’aux multinationales qui font passer la pilule aux gouvernants soit disant qu’elles sont des « entreprises socialement responsables ».

Il convient de faire observer le document de stratégie de réduction de la pauvreté mis en œuvre au Bénin depuis plusieurs années, n’a prévu aucune action de lutte contre le tabagisme. Un véritable ratage de l’orientation stratégique en matière de développement global de notre pays.
Le fardeau socio-économique imposé par le tabagisme

Les dépenses en consommation de la cigarette détournent une part significative du budget familial qui devrait normalement être affecté à des besoins essentiels tels que l’alimentation, la santé, l’éducation, le logement, etc. Les conséquences économiques du tabagisme sur le budget national restent une véritable  problématique. En effet, l’industrie du tabac fait supporter un lourd fardeau économique au budget national. Les données statistiques sur les affections liées au tabagisme actuellement disponibles rendent compte seulement des cas connus. En dehors des dégâts humains chiffrés à des millions de victimes, le tabagisme impacte sévèrement le pouvoir économique des pays en voie de développement du sommet à la base. Au Bénin, le drame économique lié au tabagisme est très évocateur de la perte que consent l’Etat sur son budget national. Selon Dr Julien Toéssi, plusieurs affections cardio-vasculaires traitées au centre national hospitalier universitaire de Cotonou (Cnhu) sont liées à la consommation du tabac. Ces maladies occupent 33% des évacuations sanitaires tandis que les différents types de cancers– gorge, œsophage, poumons, prostates, vessie, reins- couvrent 56% des évacuations sanitaires. Ces coûts sont extensibles et ne peuvent pas être couvertes par les taxes perçues par l’Etat sur l’importation et la vente de la cigarette. Autrement dit, l’Etat investit des ressources qu’il ne gagne pas dans le traitement des affections liées au tabagisme. Cette situation interpelle la conscience collective mais surtout celle des dirigeants qui ne doivent plus se laisser doper par les stratégies mortifères de l’industrie du tabac. Pour Dr Alastaire Alinsato, les coûts directs dus à la consommation du tabac sont estimés à 19,5 milliards de francs CFA en moyenne par an. C’est dire que le Bénin aurait pu sauvegarder près de 20 milliards qu’il investirait dans des actions de développement chaque année en évitant la consommation du tabac aux populations. Ce qui est une piste royale pour tendre vers la réduction de la pauvreté. En ce qui concerne les coûts indirects, le drame est criard. « En l’état actuel de nos statistiques, il est difficile d’évaluer le coût humain lié à la mortalité et à la morbidité dont l’incapacité, l’invalidité, les pertes de productivité, les pertes de revenus et les charges sur les familles. Cependant, des études ont révélé que les accidents vasculaires cérébraux coûtent en moyenne 1.120.000 francs CFA par individu et par an, soit environ trois fois le PIB par tête du Bénin », ajoute Dr. Alinsato.

En dehors des évacuations sanitaires non quantifiables et des cas identifiés, des centaines de personnes meurent en silence dans nos communautés, victimes de l’ignorance causée parle fléau du tabagisme.

Il se fait que malgré l’existence d’une loi qui encadre la production, la commercialisation et la consommation de la cigarette au Bénin et de la convention-cadre de l’Oms pour la lutte antitabac dont le Bénin est signataire, les béninois continuent de s’enfumer dans les milieux publics sans aucun égard; la cigarette est toujours exposée sur les étagères dans tous les coins de rue ; la cigarette destinée à la vente dans d’autres pays se retrouvent encore sur le marché béninois; la vente à la tige se poursuit et à vil prix…Pendant ce temps, beaucoup de nos concitoyens meurent victimes gratuite du tabagisme. L’Etat a l’obligation de veiller sur la santé des citoyens.

Par Charles Dossou Ligan

ligchar@yahoo.fr

ENCADRE : les statistiques sur les ravages du tabagisme sont alarmantes 

Quelque soit la forme sous laquelle il est consommé- cigarette manufacturée, les pipes, les cigarettes à rouler, tabac sans fumée, tabac à mâcher, tabac à chiquer ou a priser, etc.-le tabac est un produit dangereux et constitue, selon l’Oms, la première cause évitable de décès au monde. Selon l’Atlas du tabac, édition 2012, la fumée du tabac contient plus de 7000 substances chimiques et composés divers dont 69 sont cancérigènes. La consommation du tabac cause un décès toutes les six secondes dans le monde. En 2011, la consommation du tabac a provoqué le décès de 6 millions de personnes; parmi eux, 80 % sont à la fois les fumeurs et les non-fumeurs des pays à revenu faible et intermédiaire.

Parmi les 1.3 milliards de fumeurs enregistrés dans le monde, soit 20% de la population mondiale, on compte plus de 20% de femmes fumeuses. Le tabac tue inévitablement la moitié de ses consommateurs. Aucun organe du corps humain n’est à l’abri du tabagisme et les risques sont les mêmes, tant pour le fumeur que pour son entourage.

D’ici 2030, la consommation du tabac provoquera plus de 8 millions de morts par an. Près de 6.000 milliards de cigarettes sont produites et consommées chaque année, soit environ 1.000 cigarettes pour chaque être humain sur la planète pour un chiffre d’affaire annuel de 500 milliards de dollars au profit de l’industrie du tabac.

Une interdiction complète de promouvoir, de sponsoriser ou de faire de la publicité pour le tabac pourrait entrainer une réduction du tabagisme d’environ 7 %.              C.D. LIGAN


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